Tribune de Genève: L’orgue conquérant de Vincent Thévenaz
Le nouvel organiste titulaire de la cathédrale Saint-Pierre est en concert mercredi au Victoria Hall. Rencontre
Vincent Thévenaz, qui sera dès janvier l’organiste titulaire de la cathédrale Saint-Pierre, se produit au Victoria Hall mercredi soir, en ouverture d’un concert de l’OSR. Derrière lui, un orgue romantique, sur lequel il jouera une pièce de Franz Liszt.
Bientôt, ce sera sa remise en forme physique du dimanche: une rampe étriquée et pointue d’escaliers à négocier sans trébucher. Puis, les hauteurs de la nef conquises et le souffle stabilisé, il y aura encore lui, cet orgue imposant, à dompter des mains et des pieds le temps d’un culte dominical qu’il faudra accompagner en musique toutes les semaines de l’année, qu’il neige, qu’il grêle ou qu’il fasse canicule. Ce rituel, qui revient depuis des siècles à l’organiste titulaire de la cathédrale Saint-Pierre de Genève, rythmera en partie la vie de Vincent Thévenaz, appelé à succéder, dès janvier 2018, à l’organiste actuel, François Delor.
Nomadisme musical
Observée d’un regard profane, cette nomination a tout d’un adoubement qui vous pose un homme en même temps qu’il consacre un musicien. L’intéressé, lui, ne fait pas dans la fausse modestie et reconnaît sans ambages la portée de l’affaire: quand on grimpe à la cathédrale, on change de catégorie, «on passe d’un championnat de première ligue suisse à la Champions League», assure-t-il d’un sourire entendu. Son avenir proche sera donc marqué par ce grand bond. Mais le présent ne manque pas d’éclat non plus. Vincent Thévenaz montera mercredi soir d’autres marches, moins pointues mais tout aussi prestigieuses, celles qui mènent à l’orgue du Victoria Hall. Depuis là-haut, il servira à l’assistance, en préambule d’un concert de l’Orchestre de la Suisse romande, le célèbre Prélude et fugue sur le nom de Bach pour orgue solo de Franz Liszt. Une expérience qui le confrontera une fois encore à la nature instable de sa profession, aux caractères extrêmement mouvants de son destin artistique.
Car, il ne faut pas l’oublier, être organiste, c’est avant tout savoir se réinventer à chaque concert, s’adapter à un instrument qui est unique dans ses sonorités et ses registres et qui n’a pas de copies dans le monde. «Au Victoria Hall, comme ailleurs, il faut se conformer à ses caractéristiques et trouver de nouvelles combinaisons. Il est évident qu’on ne pourrait pas faire ce travail si on n’était pas ouvert à cette démarche d’harmonisation», explique-t-il, alors qu’il vient de boucler une séance de répétition dans la grande salle genevoise.
Face au buffet, aux touches et aux mécaniques fines de l’instrument, le musicien fait donc sa mue, il devient caméléon. Faculté que Vincent Thévenaz cultive depuis très longtemps déjà. À 38 ans, le Genevois a cumulé les expériences, au gré d’un nomadisme musical qui l’a mené, dès l’adolescence, à se frotter à des dizaines d’orgues disséminés dans l’arc lémanique. «J’ai grandi à Yvorne, dans le canton de Vaud. Très jeune, j’ai commencé le piano. Je l’ai étudié mais je n’étais pas du tout un enfant prodige; disons que, à l’époque, j’aimais autant la musique que le foot. L’orgue? Il est arrivé plus tard, vers l’âge de 13 ans. Mon père, qui est pasteur, m’a proposé de rencontrer Martine Reymond, organiste à Montreux. Le courant avec elle et l’instrument a passé immédiatement.» Poussé par cette vocation nouvelle, le musicien en devenir brûle alors les étapes. Très vite, il est appelé à remplacer des collègues dans les temples; son nom s’installe dans le paysage et ses services sont demandés un peu partout dans la région. «Je crois avoir côtoyé tous les orgues existant entre Aigle et Lausanne. On n’est jamais au chômage quand on est organiste.»
L’idylle avec l’instrument se consolide ainsi, à l’épreuve du terrain, au contact avec le terroir, pourrait-on dire. Parfois il y a des imprévus heureux, des récompenses qui se déploient à travers des rencontres marquantes. «Un jour, à la fin d’un culte, une vieille dame est venue me voir. Elle m’a dit qu’elle désirait que je joue à son enterrement un passage que je venais d’interpréter au temple…»
Du carillon à l’hybridation
De retour en 1998 dans sa ville natale, Genève, l’organiste poursuit ses études sur un mode boulimique, en empilant les cours du Conservatoire – où il ajoute aussi un diplôme en musicologie – au cursus en Faculté des lettres. Ici il cheminera loin avec le français et s’initiera au russe. La première consécration musicale se produit en 2004. Un concours est ouvert pour le poste d’organiste titulaire à la paroisse de Chêne-Bougeries. la plus grande dans le canton. Vincent Thévenaz le sait, ce pôle brille pour ses orientations mélomanes et pour son esprit d’ouverture. Il y dépose alors un dossier de candidature. Treize ans plus tard, il quitte les lieux heureux et satisfait de son long passage. Un fait marquant durant son règne? «L’intégrale des œuvres pour orgue et pour orgue et chœur de Mendelssohn. Bien au-delà du côté sportif, cette proposition m’a marqué en profondeur.»
Alors que dans un mois, cette aventure s’achèvera définitivement, Vincent Thévenaz en cultive déjà d’autres, depuis longtemps parfois. Un exemple? Ses incursions dans des territoires hybrides, en compagnie du saxophoniste Vincent Barras, avec lequel il enregistre des albums et se produit en concert. Ou encore ses ascensions vers la flèche Saint-Pierre de la cathédrale, là où il officie depuis 2013 comme carillonneur officiel. Une hauteur à conquérir, encore une: 160 marches pour un autre adoubement de taille. Au milieu de trente-sept cloches qui parlent à la ville entière.
Vincent Thévenaz, en concert avec l’OSR, Sergeï Babayan (piano) et Jonathan Nott (dir.), Victoria Hall, me 15 nov. à 20 h. Rens. www.osr.ch
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Biographie
Vincent Thévenaz est professeur d’orgue et d’improvisation à la Haute Ecole de Musique de Genève, organiste titulaire et carillonneur de la Cathédrale St-Pierre de Genève. Ses concerts l’ont mené dans de nombreux pays d’Europe, d’Asie et des deux Amériques.
Nourri d’une formation complète (orgue, piano, improvisation classique et jazz, musicologie, théorie musicale, direction, chant, lettres françaises et russes), Vincent Thévenaz aspire à vivifier et diversifier le monde de l’orgue : il mêle son instrument à des sonorités tantôt classiques (violon, flûte), tantôt insolites (saxophone, cor des Alpes ou percussion), et pratique également des instruments cousins (harmonium, carillon, orgue de cinéma, orgue Hammond, claviers de toute sorte). Passionné d’improvisation, il la cultive tant à l’orgue qu’au piano, au concert ou pour accompagner des films muets.
Il interprète en 2009-2010 l’œuvre d’orgue intégrale de Bach en 14 concerts, remportant un vif succès. Son duo « W » avec le saxophoniste Vincent Barras propose un répertoire original immortalisé par 2 CD. Il a enregistré pour le label Sony deux CD salués par la critique avec l’Ensemble Gli Angeli Genève (Stephan MacLeod). Il collabore par ailleurs avec de nombreux ensembles et chefs (Orchestre de la Suisse Romande, Ensemble Contrechamps, Ensemble Vocal de Lausanne, Ensemble Scharoun de la Philharmonie de Berlin, Heinz Holliger, Michel Corboz, Lawrence Foster, Antonio Pappano, etc.). Il a fondé en 2005 l’Orchestre Buissonnier, ensemble de jeunes musiciens, qu’il dirige régulièrement.
Source: Site de Vincent Thévenaz
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