Cosmopolis.ch: Un entretien avec le saxophoniste suisse George Robert sous forme de conversation à bâtons rompus
GEORGE ROBERT : « YOUNGBLOOD ! »
Le saxophoniste suisse romand George Robert n’a jamais aussi bien porté son surnom qu’en cette fin d’année 2013. En effet, après une année de graves ennuis de santé, notre « héros national » est de retour aux affaires, et ce depuis quelques semaines. Il termine une tournée de plus de quinze jours en Suisse alémanique avec le Pepe Lienhard Big Band dont il est le « lead alto » et dans lequel il prend pas mal de solos. Il est d’ailleurs fort regrettable que ce magnifique orchestre ne se produise pas en Suisse romande : « Chez nous, les gens ne se déplacent pas pour aller voir les big bands. Je sais de quoi je parle puisque j’ai dirigé mon orchestre pendant 2 ans» me répond George ; « cela reste une grande et longue tradition en Allemagne et en Suisse alémanique, mais malheureusement pas en Romandie ».
Son surnom de « Youngblood » lui fut donné il y a 40 ans par le Maître Sam Woodyard. « Je débutais, j’étais tout jeune et il est venu « jammer » avec moi. Quand nous avons fini, il s’est avancé vers moi en me disant : « Hey Man, tu dois continuer à jouer, tu es doué, tu as tout compris, « YoungBlood » ». Cette phrase le hante encore comme si c’était hier. « Tu te rends compte, un musicien de cette catégorie, venir m’encourager et me pousser à devenir musicien ? Cela ne semble pas possible ; et c’est pourtant bien la vérité » me confie George. Altiste, clarinettiste, pianiste, compositeur, arrangeur, leader, professeur, George possède plus d’une corde à son arc. Né à Chambésy/GE le 15 septembre 1960, d’un père fribourgeois ingénieur civil, qui travaille au bureau du BIT à Genève et qui crée le CIS (Centre international de sécurité des travailleurs) et d’une maman américaine, venant de Chicago. « Nous étions six frères et une sœur à la maison et la musique était présente jour et nuit. Comme j’étais le plus jeune, c’était mes autres frères, dont Marc entre autres, qui achetaient les disques. Tous les samedis, il allait dans le magasin « Disco-Club » à Genève et rentrait avec au moins trois cents francs de disques. En grande majorité, c’était du Jazz ».
Entretien sous forme de conversation à bâtons rompus :
Jean-Michel Reisser (JMR) : «Le piano est ton premier mon instrument je crois ? »
George Robert (GR) : « Oui absolument et il le restera toujours. J’ai un feeling spécial avec lui.
A l’âge de dix ans, mon frère m’a suggéré de prendre des cours de musique. C’est à cette époque que nous avons formé un groupe. Comme j’étais le plus jeune, je n’avais pas trop mon mot à dire. J’aurais voulu jouer du piano mais comme Marc en jouait déjà et qu’il en était l’instigateur, je me suis mis à la clarinette ».
JMR : « C’était donc un sextet un peu inhabituel… »
GR : « Oui, il y avait un piano, une contrebasse, une batterie, deux saxes et une clarinette. En même temps, j’étudiais le Jazz au Conservatoire populaire et mon professeur était Luc Hoffman. Quelle chance j’ai eu de le rencontrer. J’ai travaillé avec lui jusqu’à ma maturité. »
JMR : « Ce qui a été réellement déterminant pour toi, ce sont les concerts, le « live »… »
GR : «En effet. Dès le début des années septante, Pierre Bouru organisait de nombreux concerts et comme nous parlions l’anglais, il était plus facile d’aborder des musiciens comme Harry « Sweets » Edison, Eddie « Lockjaw Davis », Sam Woodyard, Jimmy Woody, etc. Dès l’âge de 14 ans, j’ai su que je consacrerais ma vie au Jazz. »
JMR : « Tu as une belle anecdote avec le grand batteur Billy Hart… »
GR : « Oui ! Il est venu à la maison quand j’avais 13 ou 14 ans et il a vu notre batterie. Il m’a dit « jouons quelque chose ». Je me suis exécuté et on a joué un thème de Charlie Parker. A la fin, il m’a dit « Man, écoute Bird et bosse ». Billy Hart me disant ça ? Je me suis mis au travail immédiatement ! (rires). Le fait de connaître tous ces musiciens en vrai, de les admirer et de posséder leurs disques m’a poussé à travailler sans relâche. Je me rappelle très bien quand le « New Morning » a ouvert à Genève. Nous avions ce groupe nommé « The Delta Belt » où nous jouions la musique des « Crusaders ». Ce furent mes débuts sur scène. Pendant que mes frères allaient boire des bières, comme j’avais de l’oreille, je transcrivais toutes les voix pour tous les instruments car, à l’époque, il n’y avait pas de partitions, il fallait tout relever d’oreille. Quel boulot ! (rires) »
JMR : Et puis, il y a eu Paul Thommen …
«GR : «Paul formait un octet et je suis devenu l’altiste du groupe. La musique était fantastique car on jouait des arrangements d’Oliver Nelson, Quincy Jones, Frank Foster, Frank Wess, Ernie Wilkins, Benny Carter, … J’étais comme un poisson dans l’eau. Il y avait de sacrés bons musiciens, tels que Richard Kraher, Philippe Staehli, Pierre Gautier, Francis Rothenbühler, qui aurait pu devenir un pro car il jouait comme un fou. Ce fut une belle époque. »
JMR : Tu pars ensuite pour Boston …
GR : «Andy McGhee, saxophoniste chez Lionel Hampton, m’a poussé à aller étudier à la Berklee Jazz School avec l’unique Joe Viola, un des fondateur de cette prestigieuse école. J’ai réussi à pouvoir étudier avec ce fabuleux pédagogue, musicien de jazz, mais il parlait surtout de musique et de sax avant tout. Il jouait de tous les instruments à vent, le hautbois, toute la musique classique, en plus, il avait un big band de Jazz ! C’est le plus grand pédagogue que j’aie jamais rencontré à ce jour, un personnage-clé dans toute ma vie mais aussi dans celle de tous ceux qui ont étudié avec lui, les Marsalis, Greg Osby, etc. Il était le premier à arriver à l’école le matin et le dernier à la quitter le soir. Il m’aimait beaucoup et quand je suis parti pour New York, il m’a dit que si je voulais revenir parfois à Boston, je pouvais loger chez lui. C’est incroyable; c’était un personnage fabuleux et unique. »
JMR : Tu as beaucoup appris dans les big bands de l’école…
GR : «Oh que oui ! Il y avait 4’000 élèves et pleins de big bands. Un jouait du Buddy Rich, un autre du Woody Herman, etc. C’est là que j’ai compris qu’il fallait avoir un gros son pour être entendu dans un orchestre et pour diriger une section. J’ai bien connu Greg Osby qui jouait avec moi et plein d’autres. »
JMR : « Tu as eu la chance d’obtenir une bourse pour aller étudier à New York pendant deux ans afin d’avoir un Master… »
GR : « Tout à fait. J’ai eu une chance immense. J’ai obtenu le maximum, qui était à l’époque 7'500 dollars US, par rapport à aujourd’hui où elles sont de l’ordre de 40'000 dollars US. Dans ma classe, il y avait Steve Turre le tromboniste et le bassiste Todd Coleman. »
JMR : « Bon, à ce stade de la conversation, il faut parler de Phil Woods, non ? »
GR : « Aahh ! (soupir d’émotion). Je remonte le temps. Au début des années septante, mon frère m’a fait découvrir le premier disque de Phil Woods en Europe. Cela datait de 1968. Je suis resté sans voix et je me suis dit : C’est comme ça qu’il faut jouer de l’alto. Je suis devenu un fan inconditionnel de Phil. Donc, j’arrive à New York et je savais qu’un jour, je le rencontrerais. J’avais apporté 50 pochettes de disques où Phil jouait (rires). Et ce jour arriva. Je lui ai demandé si je pouvais prendre un ou deux cours avec lui. Et hop, c’était fait. Il fallait 3 heures de voiture pour aller jusque chez lui. Je passais l’après-midi et rentrais le soir. Il m’a demandé de jouer des accords au piano; puis, quand il a vu que je savais ce qu’il me demandait, on a passé au sax. En fait, il ne m’a pas beaucoup montré de choses, nous avons plutôt travaillé sur les compositions et arrangements. Il m’a tellement appris de choses que certaines, je les utilise toujours aujourd’hui face à mes élèves. Il a réussi à créer des exercices sur des standards qui sont des plus utiles pour l’oreille. De plus, il travaille sans cesse et connaît toute la musique classique. »
JMR : « Vous êtes très proches de toute façon… »
GR : « Oui, nous avons tellement joué ensemble, des concerts dans le monde entier, cinq albums enregistrés, j’ai été son « lead alto » pour son big band maintes fois … Phil et moi, c’est comme Pierre Boussaguet et Ray Brown. »
JMR : A l’âge de 26 ans, tu oses monter ton quintet avec le fabuleux trompettiste Tom Harrell. Tu n’étais pas un peu « gonflé » de jouer avec un des membres du quintet de Phil Woods ?
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Article source: Cosmopolis.ch - Article du 1er mai 2014. Ajouté à 00:09
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