Dohnanyi servi dans un écrin
Le très intéressant label Claves, synonyme de soin éditorial, de belles prises de son et de répertoire souvent original, s’était fait fort discret ces dernières années. C’est donc avec beaucoup de plaisir que nous le retrouvons dans ce disque très attachant car, malgré les années, la réputation de Ernö Dohnanyi n’a jamais rejoint celle de ses principaux collègues compatriotes: Bartok et Kodaly, voire Weiner. Les deux quintettes avec piano ont déjà été gravés à plusieurs reprises mais n’illustrent que de manière un peu imparfaite l’art du compositeur hongrois. Il s’agit en effet d’oeuvres de jeunesse, composées à 18 et 36 ans respectivement. La prise de son, belle et spacieuse, apporte un confort d’écoute indéniable qui nous permet d’apprécier dans les meilleures conditions les premiers pas d’un talent trop discret. Porté par des musiciens très inspirés et émouvants, l’opus 1 révèle tout ce qu’il doit à Brahms (l’analogie avec le Quintette opus 34 de ce dernier est frappante) et est tout particulièrement remarquable par le fait qu’il ne trahit aucune des maladresses de la jeunesse.
La partition, dans ses quatre mouvements, est parfaitement charpentée, ménage des contrastes adaptés qui contribuent à conserver l’attention; la verve et l’inventivité mélodiques, marque de fabrique de Dohnanyi, sont omniprésentes pour notre plus grand bonheur. L’opus 26, écrit en 1914, créé alors que la guerre embrase désormais toute l’Europe, révèle une personnalité bien plus affirmée, même si son esthétique continue d’évoluer dans la sphère romantique. A aucun moment on ne pourrait deviner qu’un an auparavant avait été créé Le sacre du printemps. C’est que le propos et la conception du compositeur sont ailleurs. Pourquoi s’essayer maladroitement à une langue nouvelle quand on maîtrise celle qui a été enseignée, qu’on s’y exprime avec tant de talent et de fraîcheur et que, dans le même temps, on possède un talent créatif qui fourmille de tant de choses nouvelles à dire?
L’oeuvre, tout comme l’opus 1, d’ailleurs, tire sa remarquable homogénéité de son recours aux réminiscences des mouvements précédents, un principe ingénieux dont Dohnanyi joue avec un art suprême. Un disque tout en charme et en heureuses découvertes, à conseiller absolument !
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10
Ernö DOHNANYI (1877 – 1960)
Quintettes avec piano n° 1 opus 1 et n° 2 opus 26
Trio NOTA BENE, Shmuel ASHKENASI (violon), Nobuko IMAI (alto)
2015-DDD-52’30-Textes de présentation en français, allemand et anglais - Claves 50-1505
Source de l'article: Crescendo Magazine, Bernard Postiau - 10 juillet 2015
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