Michael Studer
Michael Studer est un pianiste suisse né en 1940. Musicien très discret et volontiers atypique, il a mené une carrière de concertiste et de pédagogue. Entre le début des années 1970 et la fin des années 1990, il a laissé des enregistrements regroupés en partie, début 2008, dans un coffret de 6 CD, qui lui rend hommage.
Biographie
Le pianiste suisse Michael Studer fait partie d’une famille musicienne. Sa mère, était une excellente pianiste. Son père, violoniste à ses heures, de retour d’un séjour à Paris, rapporte dans ses bagages de précieux disques de Debussy — La Mer, les Images, le Prélude à l’après-midi d’un faune — et de Ravel — Jeux d’eau, le Boléro… Un monde nouveau, où les septièmes de dominante s’épanouissent pour le seul bonheur du son ; une révélation pour le jeune pianiste, qui entre-temps est entré dans la classe d’un professeur qui le conduira jusqu’au terme du Conservatoire de Berne : Suzanne Eggli. Le quatrième mouvement de la Sonate pour violon et piano de César Franck, dont le souvenir de l’interprétation par sa mère et une amie violoniste reste gravé à jamais comme l’image sonore la plus forte de ses années de jeunesse et incarne plus que toute autre page ce qu’il aime dans la musique.
PARIS
À 19 ans, Michael Studer entre au Conservatoire National de Paris dans la classe d’Yvonne Lefébure, avec laquelle le directeur du Conservatoire de Berne entretient des relations privilégiées. Deux magnifiques années s’ouvrent au jeune pianiste. « Madame Lefébure était un professeur intelligent, original et en même temps plein de charme », se souvient-il avec tendresse. Il habite un foyer pour étudiants, où il n’a à sa disposition qu’un piano droit, dans une cave mal éclairée. Il profite de ce séjour pour assister aux nombreux concerts qu’offre la capitale française.
VIENNE
Après Paris, il passe deux ans à Vienne comme élève privé de Richard Hauser, chez qui il améliore sa sonorité, en apprenant notamment à faire chanter une mélodie dans toute sa simplicité. Il garde de cette période un souvenir ému. Il est également très « marqué » par les cours d’interprétation donnés à cette même époque par Bruno Seidlhofer à Cologne et Géza Anda à Lucerne.
LE DISQUE
Michael Studer est venu au disque par lui-même, pour répondre à la demande de son public. C’est ainsi qu’est né Luna, un label produit à compte d’auteur qui doit son nom au hasard de l’enregistrement du Clair de lune de Debussy, réalisé la nuit où un Américain posait le premier pas humain sur la Lune ! Au programme notamment de ce premier disque : Chopin et les Variations Haendel de Brahms. Le deuxième est dédié à Ravel et son sublime Gaspard de la Nuit, ainsi qu’à Debussy et son Premier livre des Images. Michael Studer attire l’attention de la maison des disques Claves, avec laquelle il collabore à partir des années 1970.
Michael Studer a été pendant vingt-cinq ans professeur de virtuosité au Conservatoire de Berne, et donné de nombreux récitals et concerts en soliste avec des chefs tels que Paul Klecki, Rudolf Kempe, Erich Leinsdorf, Charles Dutoit, Antal Dorati, Wolfgang Sawallisch, Rafael Frühbeck de Bourgos, ou encore Esa-Pekka Salonen.
Discographie (partielle)"The Legacy", Bach, Mozart, Haydn, Schumann, Chopin, Saint-Saëns, Liszt, Brahmas, Rachmaninov, Ravel, Debussy, Orchestres de chambre Tibor Varga, de Cologne, de Lausanne, Orchestre de la Suisse romande, sous la direction de Tibor Varga, Helmut Müller-Brühl, Fritz Rieger et Wolfgang Sawallisch, 6 CD, Claves Records SA.
Au morne temps de la pure virtuosité et des produits du marketing, l’art si particulier de Michael Studer est profondément réconfortant. A l’écart des tendances, son piano, sa musique parlent au cœur avec candeur et simplicité. Certains interprètes, et parmi les plus grands, se mesurent au compositeur, tentent de lui en imposer, se mettent en scène à ses côtés : Michael Studer, se fondant sur un pianisme souverain, a choisi une autre voie, donnant libre cours à une subtile musicalité qui laisse parler le créateur, comme l’avait fait un Dinu Lipatti avant lui.
Se «contentant» d’un répertoire moins rabâché, il s’est attaché à certaines partitions préférées, aimées avant tout, dont il a donné des interprétations approfondies, jouées avec une authenticité, une musicalité et une finesse incomparables. À cet égard, le sommet de sa discographie est peut-être son Gaspard de la Nuit, reproduit dans le coffret précité, d’après un de ses premiers disques vinyle, datant de 1975 : jamais l’imaginaire fantastique du poète, transcrit par le musicien, ne nous est parvenu de manière aussi univoque et pure. Aloysius Bertrand et Maurice Ravel sont ici indissociablement réunis. Et si la virtuosité est omniprésente dans ce court chef-d’œuvre, jamais elle ne se fait remarquer, si ce n’est, comme l’éclair, pour ajouter une coloration subite ou une touche de fantaisie. Un Concerto en sol (superbement accompagné par le grand Sawallisch) et le Deuxième Concerto de Saint-Saëns, captés live, et trois extraits du Premier livre des Images de Claude Debussy, complètent ces moments de grâce et d’élégance françaises, où s’entremêlent émotion et frivolité.La leçon de musique est aussi dans les trois concertos de Mozart— Claves en publiera d’autres dans sa collection Digital Only : le dépouillement du style, une humilité de bon aloi, sont ici les maîtres mots, laissant retourner cette musique vers l’infini dont elle est venue. Nul excès, nulle affectation, mais un piano paraissant sage, classique, mais qui, de fait, regorge de nuances et procure à l’auditeur un plaisir sans limites. On retrouve ces mêmes qualités dans la Sonate en mi b majeur de Haydn, primesautière et jubilante, telle qu’on aurait toujours voulu l’entendre. Nulle ascèse non plus dans les Suites, Partita et Concerto italien de Bach, joués sur un piano moderne, avec toute l’expression dont l’instrument est capable, mais sans complaisance ni nostalgie du clavecin, comme d’autres grands l’ont fait aussi. L’assemblage de pièces tirées des Opus 116 à 118 de Brahms et des Préludes et Etudes de Rachmaninov, tel qu’expliquée dans la notice rédigée par le musicien, est l’occasion d’un éclairage fascinant de ces œuvres, par la variété des émotions et l’à propos des contrastes : on entend là aussi un piano splendide, sans la moindre crispation dans l’effort, des traits souvent prétexte à virtuosité gratuite trouvant, en se fondant dans l’ensemble, une expressivité renouvelée. Le disque Chopin, derniers enregistrements datés de 1999, procède aussi de ce même goût pour la subtile juxtaposition de saveurs, comme celui d’un menu gastronomique : le texte cité par le pianiste dans la notice (la mauvaise habitude de beaucoup de pianistes, qui jouent toujours un opus complet au lieu de proposer une courte succession de pièces de leur choix, ne peut que nuire à l’effet de ces pages lyriques) est encore une fois pleinement justifié.
Et Michael Studer n’est pas ici en mauvaise compagnie : on n’a jamais fait à Horowitz le reproche de ne pas aligner tous les Scherzi, Ballades ou Etudes, en concert ou sur disque. Ce coffret de six disques est un hommage dû à un grand pianiste et à un musicien rare, aimé de son public, contraint par la surdité de quitter le podium beaucoup trop tôt mais qui nous a heureusement laissé un héritage précieux, empreint d’une riche, intense et respectueuse simplicité.
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