Le Temps: Heinz Holliger, énergique et sans concession
Le chef suisse dirigeait l’OCL à l’occasion d’un concert donné mardi soir à la Salle Métropole de Lausanne. Il a accompagné le pianiste Piotr Anderszewski dans le «Concerto en sol majeur KV 453» de Mozart.
À 76 ans, Heinz Holliger paraît plus décidé que jamais dans ses choix artistiques. Le chef bernois (par ailleurs hautboïste et compositeur) dirige régulièrement l’OCL. Sa battue est énergique, pleine de vitalité, un rien stricte et métronomique par moments. Même quand il dirige la 1ère Symphonie de Beethoven, il confère une modernité décapante à cette musique.
Mardi soir à la Salle Métropole de Lausanne, le chef au regard acéré a retrouvé les musiciens dans un programme à son image. Il a d’abord rendu hommage à son professeur de composition Sándor Veress (1907-1992) au Conservatoire de Berne. Ce compositeur suisse d’origine hongroise laisse des œuvres de qualité. Le Divertimento pour orchestre de chambre – donné ici en première suisse – comprend six mouvements relativement brefs qui parodient le style classique du XVIIIe siècle («Ouverture», «Andante», «Serenata»…). Puissamment rythmée, modale dans ses harmonies, cette musique évoque l’influence de Kodály et Bartók avec un zeste de néoclassicisme. On songe du reste à Pulcinella de Stravinski en écoutant certains passages, mais le langage de Veress a une couleur résolument hongroise. Le mouvement le plus original est la «Pastorale», avec des savants alliages de timbre et des solos aux bois comme des mélopées champêtres. Le «Finale» – sur des rythmes folkloriques endiablés – paraît curieusement court, presque tronqué.
Un Concerto pas pleinement soudé
Piotr Anderszewski entrait alors en scène pour jouer le Concerto en sol majeur KV 453 de Mozart. Sitôt qu’il se met à jouer, on ressent un certain froid entre le pianiste et le chef d’orchestre. Heinz Holliger ne tourne pratiquement jamais la tête vers le soliste, occupé à assurer l’accompagnement. Il en résulte une interprétation pas pleinement soudée. Mais le sublime mouvement lent réserve quelques très beaux moments. Ici, Piotr Anderszewski déroule de longs silences suspendus, étirant le temps musical à l’extrême. Ce piano, celui d’un esthète, un peu précieux dans sa recherche de couleurs (les pianissimi évanescents dans la cadence) anticipe déjà le romantisme, alors que Holliger prône une approche beaucoup plus cadrée et droite de Mozart. Un mariage de raison, donc, qui réserve toutefois une certaine verve dans le «Rondo» à la coda si entraînante.
Après l’entracte, Heinz Holliger présentait au public Meta Arca pour violon solo et ensemble à cordes. Cette œuvre créée en 2012 est le fruit d’une commande de la Camerata de Berne pour son cinquantième anniversaire. Le compositeur s’est adressé à la salle, expliquant que dans Meta Arca, il a voulu rendre hommage aux six instrumentistes qui ont successivement tenu le poste de premier violon à la Camerata de Berne depuis ses débuts. Puis il s’est mis à diriger, toujours aussi énergique, faisant ressortir les timbres et sonorités bruitistes, l’une des sections parodiant avec ironie une valse viennoise. Il ne manquait plus que la 1ère Symphonie en do majeur de Beethoven pour revenir en terres plus familières.
Sous la baguette de Heinz Holliger, les tempi sont vifs, très rapides, ne laissant aucun répit aux musiciens. L'«Andante cantabile» est allant, le chef dessinant les phrases avec clarté, avant un «Menuet» musclé (dont le «Trio» file un peu vite…) et un «Finale» mené à un tempo effréné. On y admire la virtuosité des membres de l’OCL, même si le chef suisse pourrait faire respirer un peu plus les phrases musicales. Décidément, rien n’arrêtera cette forte tête sans concession.
Source de l'article: Le Temps, Julian Sykes - le 28.01.16
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