Concours Clara Haskil: Critique de Cristian Budu, Prize winner 2013
Critique du demi-finaliste Cristian Budu
Lors du deuxième soir des demi-finales du Concours Clara Haskil, le brésilien Cristian Budu, accompagné par des membres du Quatuor Hugo Wolf, présentait le Quatuor pour piano et cordes No.3 en ut mineur Op. 60 de Johannes Brahms. Esquissée lorsque le compositeur avait à peine plus de vingt ans puis reprise bien plus tard, cette œuvre massive à caractère orchestral ne semblait a priori pas taillée pour le pianiste brésilien. En effet, lors des quarts de finale, il avait surtout convaincu dans des pièces au lyrisme léger comme la sonate en ré mineur K.213 de Domenico Scarlatti dont il présentait une magnifique interprétation, pleine de douceur et de finesse.
Après un repositionnement des musiciens demandé par Budu afin de pouvoir entretenir un contact visuel avec chacun d’eux, le début de l’œuvre est somptueux. Dès les premières mesures – des accords plaqués forte entrecoupés de lignes plaintives des cordes – on sent Budu très à l’écoute. Il attaque ses accords avec un son très plein et la façon dont il s’efface ensuite ouvre un espace que les cordes peuvent investir. C’est sur ce mode que semblent fonctionner les interprètes de ce soir : le piano crée l’espace qu’occupent ensuite les cordes.
Cristian Budu mène le jeu avec énergie, il donne le ton. Avec lui, rien ne s’immobilise jamais. Cela tient sans doute à deux paramètres : le premier est son ressenti très particulier du temps. Il ne presse jamais le tempo et rattrape chacune de ses accélérations. Cela met la musique en mouvement sans provoquer de sentiment d’instabilité. Le second est que, lorsqu’il les joue, les mélodies ont du sens. Elles semblent évoluer et ne se limitent jamais à n’être qu’un enchaînement de notes. Elles ont une direction, partent du silence pour y revenir. C’est là une des particularités les plus prenantes de Cristian Budu : une attention exceptionnelle portée à l’émergence et à l’effacement des sons.
Un autre aspect du jeu de Budu est sa générosité. Une générosité sur deux plans contradictoires en équilibre instable : Cristian Budu donne énormément d’énergie, on ne sent jamais de force contenue chez lui, le courant passe d’une façon très directe. Mais cela ne se fait jamais au détriment de la place qui revient au trio. Au contraire, il insuffle son énergie aux cordes qui, fortes de cet élan expressif, peuvent alors se déployer. Cet équilibre fragile s’est quelque peu brisé dans le quatrième mouvement, au détriment du silence, pour livrer un finale dense et peu nuancé.
Mais le pianiste brésilien n’oublie jamais ce qui fait sa particularité : son retour au silence. Chaque fin de mouvement est un événement. Il sait marier les attaques du piano aux attaques des cordes et le son du quatuor entier disparaît comme celui d’un seul instrument. Le grand art de Cristian Budu n’est pas d’éblouir par une technique et par des gestes brillants, mais de faire émerger la musique du silence comme une nécessité, puis d’y retourner avec la même certitude.
Source de la critique: Clara Haskil Competition (Vevey), Sassoun Arapian - le 12.09.2013
Photos: © Céline Michel / Concours Clara Haskil
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