Le Temps - Le beau piano de Joseph Moog
En récital lundi soir aux Sommets Musicaux de Gstaad, le pianiste allemand de 28 ans se distingue par une technique très naturelle propice au répertoire du XIXe siècle.
Belle allure princière, chevelure aux mèches blondes ondulantes, il a le profil d’un top model. A première vue, Joseph Moog n’est qu’un beautiful people de plus dans le monde ultra sélect du piano classique (qui cherche à coller aux canons de la mode). Mais ce virtuose allemand se distingue par le choix de son répertoire, centré sur la tradition des grands pianistes-compositeurs du passé, comme Liszt, Anton Rubinstein, Moszkowski (dont il a enregistré le Concerto pour piano), Godowsky ou Ignaz Friedman.
A 28 ans, Joseph Moog peut s’enorgueillir d’avoir déjà enregistré une dizaine de disques parus chez le label suisse Claves et Onyx. Il doit sa renommée grandissante (mais encore restreinte) aux Sommets Musicaux de Gstaad qui l’ont sacré lauréat des jeunes interprètes en 2006. Cette année, il revient aux Sommets Musicaux pour encadrer huit jeunes pianistes dont l’un(e) sera désigné lauréat(e) à son tour. Du rang de virtuose en herbe il a donc accédé au statut de mentor.
Lundi soir, le virtuose allemand donnait un récital à l’Église de Rougemont. Une chose est sûre: il possède une très belle technique. Il évite tout effet racoleur, quand bien même il pourrait en rajouter avec son aisance digitale. On admire l’assise ainsi que la clarté des plans sonores dans les Variations Eroica de Beethoven. Mais le mélange d’humour (parfois persifleur) et d’héroïsme propre à cette œuvre écrite dans le contexte de la Révolution française, en 1802, n’est pas assez marqué. On a l'impression d'entendre davantage un piano romantique de la deuxième partie du XIXe siècle que du Beethoven à la charnière entre le classicisme et le romantisme. L’évolution du cycle vers le grand «Largo» central avant la «Fugue» pourrait être plus palpable; son jeu reste un peu froid, détaché, sans l’élévation lyrique attendue.
On sent Joseph Moog plus à l’aise dans les Deux Légendes de Liszt. La plasticité des lignes, la beauté des sonorités, ces trilles miroitants dans l’aigu pour imiter le chant des oiseaux (Saint-François d’Assise – La prédication aux oiseaux) impressionnent. Dans la Deuxième Légende Saint François de Paule marchant sur les flots, il déploie un piano orchestral sur une main gauche très mobile (les résonances dans les graves!). D’autres pianistes ont su exalter le mysticisme de ces Légendes (Cortot, Kempff…), mais Joseph Moog n’en demeure pas moins habité. Son jeu fluide et élastique, sans heurts, aux belles sonorités hédonistes, sert très bien L’Isle Joyeuse de Debussy. Il excelle dans les Métamorphoses symphoniques sur «La Chauve-Souris» de Johann Strauss de Leopold Godowsky. En bis, il joue En avril à Paris de Charles Trenet dans un arrangement goûteux d’Alexis Weissenberg. Le récital se clôt sur le Prélude Opus 21 No1 de Scriabine, en guise d’hommage à Thierry Scherz, l’ancien directeur artistique des Sommets Musicaux disparu tragiquement en 2014. Du beau piano sans tics ni manières.
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