Diapason Magazine: Friedrich Cerha, né en 1926
C’est principalement dans le contexte des cours d’été de Darmstadt, et surtout de l’importance particulière qu’on y donnait à l’héritage wébernien, que Friedrich Cerha a construit son identité musicale tout en débutant une carrière de chef. Cette influence ne s’est pas estompée dans les œuvres relativement récentes regroupées ici, où elle pourrait presque apparaître comme une résurgence. Le compositeur reconnaît d’ailleurs lui-même avoir écrit son Quintette pour haut-bois et quatuor à cordes (2007) alors qu’il ressentait un certain écœurement face à la généralisation de l’usage des techniques de jeu dites « étendues », qu’il a cependant lui-même contribué à développer de façon fort pertinente.
Heinz Holliger, quant à lui pionnier des sons multiphoniques au haut-bois, se voit confier une écriture très traditionnelle et passablement lyrique. Rendue à la fois intense et vivante par le hautboïste et les cordes des Swiss Chamber Soloists – notamment l’altiste Jürg Dähler et le violoncelliste Daniel Haefliger, co-fondateurs de l’ensemble –, la matière musicale que l’on entend ici, fortement contrapuntique, n’est pas sans rappeler Schönberg.
Les Neuf bagatelles pour trio à cordes commencent dans un style atonal assez aride avant de s’ouvrir sur une expressivité plus large et des modes de jeu plus différenciés (pizzicatos, puis trémolos, rebonds, glissandos courts et même une très brève occurrence de son écrasé). Ce sont cependant les passages les plus minimaux, et notamment les accords statiques à la luminosité pâle, qui porteront l’expressivité la plus touchante. Les jeux de Weinmeister, Dähler et Haefliger fusionnent de façon parfaitement organique.
Les Huit mouvements d’après des fragments de Hölderlin (1995) pour sextuor à cordes reposent sur la stylisation de rythmes prosodiques inspirés par le poète allemand. On y retrouve le Cerha pétri de postromantisme et d’expressionnisme viennois. Alternent robustesse rythmique, expressivité intérieure et plages harmoniques plus étales. Les Swiss Chamber Soloists s’y montrent aussiconvaincants dans la plénitude et la rondeur que dans les émanations diffuses. Leur sens du misterioso (Berg n’est pas loin) donne le frisson. Servie par des interprètes de cette valeur, la musique chambriste de Friedrich Cerha apparaît dans toute sa profondeur, humaine et essentielle.
Pierre Rigaudière
Huit mouvements d’après des fragments de Hölderlin. Quintette pour hautbois et cordes. Neuf bagatelles pour trio à cordes.
Swiss Chamber Soloists.
Claves. Ø 2015. TT : 55’.
TECHNIQUE : 4/5
Source de l'article: Diapason Magazine, N° 672, par Pierre Rigaudière
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