La maison de disques Claves réussit sa mue numérique
Le label avait mis sa production en veilleuse pour valoriser tout son catalogue sur Internet. Son directeur, Patrick Peikert, raconte le renouveau d’une marque suisse de référence.
«Ce qui est formidable, c’est que le disque ne vieillit pas sur Internet! Certains titres marchent depuis toujours et trouvent un nouveau public, comme les chants tessinois par Dimitri (1972), le Philip Jones Brass Ensemble (1987) ou les Concertos de Boccherini par David Geringas (1988).» Patrick Peikert, directeur depuis 2010 de Claves, basée à Pully, en sait quelque chose, lui qui vient de parachever la migration en ligne du catalogue complet de la maison de disques classiques: 500 titres disponibles sur toute la planète dans une centaine de magasins virtuels. Autre exemple à l’appui de sa démonstration, les 32 Sonates pour piano de Beethoven sur pianoforte par Malcolm Bilson et ses élèves: «Ce coffret de 1996 n’était pas encore paru en ligne. Grâce à une annonce sur Facebook, il a été en tête des ventes pendant des mois avec 200 téléchargements par mois.»
Fondée à Thoune en 1968, Claves a connu bien des révolutions technologiques. «A une certaine époque, Marguerite Dütschler, sa fondatrice, devait jongler avec des vinyles, des musicassettes et des CD!» rappelle Patrick Peikert. Quand elle vend l’entreprise à la Fondation Clara-Haskil en 2002, le siège déménage à Pully (edit: à Prilly depuis début 2017) et passe progressivement de six à trois employés (à temps partiel). Son actionnaire unique est, depuis cinq ans, Me Olivier Verrey. Malgré la crise du secteur, Claves n’a pas pour autant abandonné le «bon vieux» disque compact. Mieux: une solution existe désormais pour presser des disques en faible quantité.
Un marché en évolution
Dans l’univers classique, la tendance à la dématérialisation a été moins rapide que dans d’autres genres musicaux. Pourtant, selon Patrick Peikert, les choses changent aussi, irrémédiablement: «Les artistes sont toujours très attachés au CD, mais les gens qui aiment le classique ne sont pas que des habitués de ce support. C’est lié à la disparition des magasins et à l’arrivée de formats hi-fi. Les ventes physiques restent fortes en Allemagne et au Japon, mais en Corée, par exemple, 80% passent en digital. En Suisse, on a basculé depuis dix mois: désormais, plus de 50% des ventes sont en ligne. Et nous devenons presque rentables.»
Ce résultat encourageant s’explique sans doute aussi par l’anticipation remarquable de Claves, qui est présente sur le marché digital depuis 2007. C’est grâce à The Orchard, une boîte new-yorkaise spécialisée dans la distribution de données en ligne, que ses albums sont présents sur iTunes, Spotify, Google Play ou Qobuz, en téléchargement ou à l’écoute en streaming. Ce marché évolue rapidement.
«Au départ, iTunes était seul et représentait 95% des ventes, relève Patrick Peikert. Il reste toujours leader avec 50% des revenus, mais le streaming représente plus de la moitié des clients. Comme il est très peu rémunérateur (0,5 centime par titre écouté), le volume global s’accroît, mais le chiffre d’affaires stagne.»
Pour «grappiller le moindre revenu», Patrick Peikert en multiplie les sources, comme les redevances pour les utilisations secondaires ou publiques, par le biais des radios, la synchronisation pour des films ou la diffusion dans les restaurants. Mais sa tâche la plus essentielle a été de digitaliser l’entier du catalogue. «Ce travail de correction de métadonnées et de documentation nous a pris plus de deux ans, pendant lesquels nous avons dû réduire considérablement les nouvelles parutions de plus de dix par an jusqu’en 2011, à trois ou quatre entre 2012 et 2013.» Un chantier quasi terminé. «Il y a encore cinquante trésors jamais parus en CD qu’on va rééditer en digital petit à petit. Et, depuis l’an dernier, nous avons enfin repris un rythme normal de production.» Le nouveau départ de Claves est plus que réjouissant. (24 heures)
(Créé: 03.08.2015, 11h32)
(24 Heures) / Photo: Pierre Abensur
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